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Des différences essentielles, mais ... - Laïcité Aujourd'hui

Des différences essentielles, mais ...

, par  hdeb , popularité : 12%

La société américaine s’est fondée sur le principe de la séparation de l’église et de l’état. Les Etats-Unis ont été les premiers à mettre en pratique ce principe de neutralité de l’état envers les religions. Le contexte était favorable : l’ancienne autorité ne contestait ni l’autorité du gouvernement nouveau ni les acquis de la révolution américaine, et après l’indépendance il n’a pas subsisté de groupe religieux issu de l’ancienne autorité coloniale suffisamment puissant pour remettre en cause les choix politiques des fondateurs de la nouvelle nation. Malgré les difficultés d’un pays en voie de constitution au travers d’un continent dont la plus importante fut la Guerre de Sécession, il faut observer la remarquable stabilité juridique du 1er Amendement qui a franchi les siècles. Conséquences de ces circonstances historiques et de la neutralité de l’état, les religions ont occupé un espace concurrentiel où elles ont du trouver leurs ressources tant en fidèles que financières, l’état ne subventionnant aucun culte.

Le marché de la religion s’est d’autant plus facilement accru dans ces cinquante dernières années que l’athéisme et toutes les formes de non-croyance ont été combattues au même titre que le communisme comme un ennemi intérieur, supprimant ainsi toute possibilité de résistance. C’est la conséquence de l’absence formelle de protection de la liberté de conscience et de l’instrumentalisation par l’état de la religion comme arme de contrôle des individus en période de guerre froide. On retrouve cette politique dans la théorie du choc des civilisations et ses conséquences après le 11 septembre 2001.

Pour parler marketing, arrivé au stade de maturité, il fallait innover, coller d’encore plus près aux attentes du client-adepte et proposer des rabais pour le retenir suffisamment avant que, par goût de changement, il ne change de chapelle. On trouve donc des formes de religion low-cost à service minimal et peu durable. Les « églises à la maison » connaissent le succès du « Do It Yourself ». Le modèle de religion qui marche repose sur l’absence de hiérarchie religieuse, la simplicité du discours théologique, un fonctionnement communautaire et autant que possible des règles alimentaires et sexuelles contraignantes.

Nul doute que le Pape ait trouvé matière à réflexion au cours de son voyage aux Etats-Unis. Il a fallu tourner la page du scandale des abus sexuels, mais il y avait une bonne nouvelle (voir ci-après). Est-ce qu’il est sur la voie de rendre son église plus «  hot » ? Le retour au latin qui donne au rituel un ton exotique et le rend plus hermétique contribuera-t-il a la simplicité du discours ? En tous cas sur le plan des pratiques le tour de vis est annoncé !

La structure interne du marché des religions évolue profondément. On peut prévoir que dans quelques années l’athéisme se répandra plus amplement et que le nombre des non-croyants ou des indifférents poursuivra sa croissance. Dans le même temps, sous l’effet conjugué du vieillissement des populations et de l’immigration, il est probable que les catholiques deviendront majoritaires parmi les chrétiens. Pour la première fois, l’état américain sera confronté à une église fortement hiérarchisée qui prend ses consignes … à Rome.

La saturation du marché conduit les églises protestantes à se tourner vers l’exportation d’autant plus facilement que le prosélytisme est une des obligations du croyant. La machine politique s’est mise au service de cette noble cause comme elle le fait volontiers pour Boeing. Déstabiliser les états faibles, détruire des cultures, rien n’arrête cette mécanique où Bible et développement sont subtilement mêlés. Or ces évolutions ne sont pas sans influence sur notre propre pays à travers ses accords internationaux, sa diplomatie et aussi son intégration juridique à l’Union européenne. Il faudrait donc réapprendre notre laïcité à travers non seulement des évolutions plus ou moins discrètes de notre droit national, mais aussi d’obligations et d’interprétations nouvelles qui ne manqueront pas de nous être opposées un jour.

Dans cette compétition, de tous temps, chaque église a cherché à gagner en influence. Les querelles religieuses n’ont jamais épargné la politique et les tentatives ont plus ou moins réussi au niveau des états fédérés. Ces querelles se sont aussi traduites en batailles rangées, émeutes puis au fil du temps de plus en plus souvent en querelles juridiques. Ici, les minoritaires se montraient sourcilleux sur la neutralité de l’état – par exemple sur la question de la prière à l’école dès 1850 - tandis que les mêmes, là où ils étaient majoritaires, s’arrangeaient pour obtenir des financements publics, aussitôt combattus par les autres.

Ces querelles juridiques qui perdurent, ont été aussi violentes que peu efficaces. Le « mur de séparation » oscille mais l’amplitude est somme toute assez faible. Les efforts des « activistes » sont intenses, les avocats et les juristes déploient tous leurs talents et les politiques ont des mots qui dépassent de loin les enjeux. On ne peut entrer dans ce sujet sans se perdre dans des chicanes judiciaires mais toute cette énergie déployée est de peu de résultat.

Comment ne pas parler des problèmes soulevés par les droits des femmes et des homosexuels, et tout se qui tient à l’éthique. D’une part, le droit à l’avortement qui fut reconnu comme un droit constitutionnel par la Cour Suprême en 1973, fait toujours l’objet de controverses violentes et même meurtrières. C’est d’ailleurs LA question qui est toujours posée aux candidats à l’élection présidentielle. Ce droit est combattu de manière violente par des groupes extrémistes qui s’en prennent aux femmes et sont allés jusqu’aux meurtres de médecins. Par ailleurs chez des Mormons dissidents qui s’installent dans des lieux isolés la polygamie refait surface (elle a été abandonnée en 1896) [1]. On estime le nombre de polygames clandestins à 30.000 voire beaucoup plus. Tous invoquent la liberté religieuse. La justice relève que la polygamie est pratiquée dans un contexte d’abus sexuels, de violence domestique et de fraude, mais l’ACLU qui défend toutes les libertés, défend le droit à la polygamie entre adultes consentants au nom de la liberté religieuse comme elle le fait pour les homosexuels. Sur ces questions liées à l’homosexualité les blocages sont violents malgré des avancées indéniables. En revanche, on guette en vain des signes encourageants sur la peine de mort.

Mais pour être objectif, une comparaison de l’enseignement aux Etats-Unis et en France permettra de tirer d’autres conclusions.

Aux USA, 11% des élèves fréquentent des établissements privés de l’enseignement primaire et secondaire (dont la moitié dans l’enseignement catholique). En France, ils sont 16,5 % [2]. Quelle autre différence ? Aux Etats-Unis, la loi de séparation de l’église et de l’état empêche le financement des écoles confessionnelles par des fonds publics. En France, c’est l’inverse : l’enseignement privé à 95% catholique est financé par l’état. Tandis que les Etats-Unis consacrent en 2006, 7,4% du PIB à l’éducation de 50 millions d’élèves, la France n’en répartit que 6,8% sur 12 millions au lieu des seuls 10 millions qui fréquentent l’enseignement public. Ce qui conduirait au niveau des dépenses engagées par élève à un écart de 19% en faveur des Etats-Unis [3].

On peut donc conclure que si la laïcité américaine s’est avérée plutôt efficace pour protéger le financement de l’école publique, c’est au prix d’efforts importants contre les glissements qu’on observe aujourd’hui avec la question des vouchers et des nouvelles charter schools (écoles sous contrat). Ils se sont développés grâce à la Cour suprême qui a évolué du mur de séparation à la neutralité, mis à égalité laïcité et religion, et poussé le plus loin possible la liberté de choix.

Un autre point intéressant concerne les membres du clergé ou des congrégations religieuses. Aux Etats-Unis, ce sont les adeptes qui subviennent aux besoins du clergé. En France, outre le régime dérogatoire en Alsace-Moselle, le régime d’assurance santé du clergé est assuré en grande partie par le biais de la compensation entre régimes de Sécurité sociale [4]. Cette disposition peu connue qui laisse à la nation française une bonne part des charges de santé et de retraite de ceux qui consacrent leur vie à leur religion ne manquerait pas d’étonner un américain. L’appel du pape à augmenter leur nombre ne devrait pas améliorer la situation de l’équation retraite de base égale cotisations perçues divisées par nombre d’allocataires. D’autant qu’émargent aussi au système, les bouddhistes, évangélistes et autres religions nouvelles dont le nombre va croissant.

La classification proposée par M. JP Villain telle qu’exposée en introduction devrait pourtant conduire au résultat inverse. Comment un état de niveau 2 pourrait-il financer une organisation qui contribue au rayonnement d’une église, et assurerait au clergé une retraite favorisant ainsi leur nombre, alors qu’un état de niveau 1 s’en abstiendrait ?

Pourtant il est indéniable que l’analyse de M. Villain est pertinente, et que ses définitions sont utiles à la compréhension des différentes formes de laïcité dans leur globalité. Mais sa classification par niveau suggère par trop une hiérarchie entre les états qui colle difficilement à la réalité et cette représentation ne permet pas de comprendre les phénomènes passés et actuels. Il faut en passer par l’histoire de nos pays.

D’une manière générale, on constate la présence d’une élite religieuse formée dans les meilleures universités dans tous les domaines scientifiques, juridiques, économiques et également dans les plus prestigieux instituts de théologie. Ils interviennent alors dans tous les domaines de la vie publique et politique, partout où il faut répartir des sièges selon le délicat équilibre confessionnel, influençant les décisions dans le sens de leurs préférences religieuses.

Peut-on importer la laïcité américaine en France ?

Les religions auraient à y perdre par rapport au compromis à la française qui leur offre moyennant quelques procédures l’assurance de financements publics de leur système éducatif, et plus ou moins de leur lieux de culte. Il est probable que bien peu seraient réellement favorables à l’ouverture d’un marché libre.

Cependant, les religions pourraient trouver beaucoup d’avantages à une évolution du type neutralité bienveillante qui permettrait la création d’une élite religieuse (voir accords Vatican-Kouchner), le traitement à égalité de la laïcité et de la religion et d’instances intermédiaires entre l’Etat et la religion.

Cet article fait partie d’un ensemble intitulé Laïcité aux USA.

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[1Ils pratiquent le mariage forcé avec des jeunes filles du groupe. Un inspecteur de police de l’Utah a été arrêté lorsque sa 3ème épouse s’est enfuie et a révélé qu’elle avait été mariée contre sa volonté et avait eu son premier enfant à 16 ans. Elle est la jeune sœur de la première épouse. L’homme vivait avec ses 3 épouses et 21 enfants.

[2Sources :
pour la France : Ministère de l’éducation nationale, « L’éducation nationale en chiffres » -
pour les Etats-Unis : National Center for Education Statistics,

[3Encore faudrait-il déduire les sommes engagées par l’état fédéral dans le transport scolaire à cause de la concentration des établissements, 55% des élèves bénéficient du ramassage scolaire, coût : 18,5 milliards $ (737 $ / élève). Le graphe ci-dessous confirme cet écart avec un avantage en niveau pour les USA.Résultats/Dépenses {JPEG}

[4« Les mécanismes de compensation démographique vieillesse » : Rapport d’information n° 131 (2006-2007) de MM. Claude DOMEIZEL et Dominique LECLERC, fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, déposé le 20 décembre 2006 au Sénat. C’est ainsi que 65 millions d’euros ont été versé en 2005. Il en est de même pour les retraites, où ce sont 170 millions d’euros qui sont versés par la compensation. Or on constate que cet argent provient directement des cotisations des fonctionnaires civils et militaires de l’état et de la fonction publique territoriale pour 30%, des employés des entreprises publiques pour 7% et des salariés du régime général pour 63%. Depuis 2006, ces sommes n’apparaissent même plus sous cette forme, un obscur article 75 de la loi sur le financement de la sécurité sociale votée en décembre 2005, ayant versé la Cavimac (caisse des cultes) dans le régime général sans un froncement de sourcil au Parlement.

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