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Faut-il sanctuariser l'école ? - Laïcité Aujourd'hui

Faut-il sanctuariser l’école ?

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ECOLE DE LA REPUBLIQUE : UN CADRE SPECIFIQUE A PROTEGER ?

Le thème de laïcité à l’école est à nouveau d’actualité et l’on parle de « sanctuariser » ce lieu .

Pourquoi l’école doit-elle être un lieu spécifique et non un espace public ordinaire ?
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Faut-il sanctuariser l’école ?

J’ai choisi de présenter les arguments de philosophes contemporains en particulier C. KINTZER, et H. PENA RUIZ, mais ces arguments se trouvaient déjà chez Condorcet, Ferry, Jaurès, etc.

Il faut se souvenir des actes des républicains de la IIIème république. « Pour assumer l’obligation scolaire et permettre l’égalité des chances, ils ont créé une école publique ouverte à tous, avec des contenus d’enseignement dégagés de toute prise de position partisane, de toute influence idéologique ou religieuse qui fasse violence à la liberté de conscience de l’enfant. ....Cette école doit être laïque. Cela reste vrai de nos jours. » Ce sont des propos tenus récemment par P. Tournemine, secrétaire de la Ligue de l’Enseignement .

Pour Catherine KINTZLER, philosophe, qui a publié un ouvrage sur la laïcité scolaire dès 1995 (La république en question), une école laïque, ce n’est pas un simple lieu de tolérance, mais un lieu spécifique car la laïcité scolaire a des exigences propres en raison de ce qui se fait à l’école, c’est à dire l’instruction .

Pour justifier la nécessité de spécificité de ce lieu , elle avance des raisons juridiques :

1. L’instruction est obligatoire et l’école a la mission d’accueillir tous les élèves. On ne choisit pas ses camarades. La personne qui entre à l’école ne doit pas être l’enfant d’une communauté spirituelle, mais un élève. Tolérer de la part des uns la manifestation de leur appartenance religieuse , c’est l’imposer aux autres, par la seule raison qu’ils ne peuvent s’y soustraire. Nous ne sommes pas dans la rue ou à la Poste. De plus, l‘ école n’a pas à être sous la tutelle d’une communauté spirituelle.

2. Les élèves sont mineurs ; leur jugement n’est pas formé ; il s’agit avant toute chose de leur donner des armes intellectuelles pour qu’ils se forgent leurs propres pensées. L’enfant pourra ainsi cesser d’être le porte-parole de sa famille ou de son groupe social d’origine pour accéder à la liberté de citoyen.

3. Elle rappelle aussi qu’on ne va pas à l’école comme on consomme un service parce que le savoir ne se donne pas comme un objet ; il faut effectuer le parcours soi-même. Ces individus en construction que sont les élèves ne sont donc pas de simples usagers : ils sont certes titulaires de droits, mais aussi soumis à des obligations. Ces droits ( qui sont l’exercice des libertés fondamentales rappelées dans la loi du 10/07/89 ) doivent être conciliés avec certaines règles nécessaires au bon fonctionnement du service public .

C’est la notion d’ordre public scolaire : j’ai repris la définition des membres de la mission DEBRE : pour eux, cette notion englobe :

 un égal traitement pour tous, (quel que soit le sexe , la religion, l’origine sociale ou géographique,... )

 l’obligation d’assiduité, ( à tous les cours)

 un certain devoir de réserve qui s’impose également aux élèves en tant que membres de la communauté éducative : non affichage de ses opinions religieuses, politiques ...

 la sécurité pour chacun. Cet ordre public scolaire est indispensable pour que les apprentissages se fassent dans la sérénité .

4. Il est vrai que l’école n’est plus le milieu protégé qu’elle a pu être. Les problèmes de la société civile entrent de plus en plus à l’école ( sous forme de violences diverses parfois..) . Pour autant , la réponse peut-elle être la présence de policiers dans l’enceinte scolaire comme M . Sarkozy l’a envisagé en réponse à une demande d’équipe éducative ?

5. Au-delà de ces aspects juridiques, d’autres raisons font que l’espace scolaire doit être soustrait à la société civile. Ce qui se met en place à l’école est un travail critique de construction de la raison : on s’instruit des raisons des choses, des raisons des discours, des raisons des pensées. Cette conquête de l’autonomie de la pensée ne peut se faire que dans le cadre d’un retrait critique, une mise à l’écart des forces qui font obstacle à la conquête de l’autonomie, que ces forces soient politiques, religieuses ou commerciales .

Alain JUPPE a tenu des propos similaires lors de son audition par la commission Stasi. Ses propos ont été retransmis dans un débat télévisé. Je le cite :
« L’école est le lieu de formation des consciences. Nous avons des jeunes qui sont encore immatures, qui n’ont pas acquis cette faculté d’esprit critique ou de jugement libre qui est l’une des finalités de notre système éducatif, peut-être la plus haute, la plus noble, et c’est la raison pour laquelle une protection particulière dans le cadre de l’école s’impose. »

 Catherine KINTZLER quant à elle, ajoute : « Savoir ce qu’il faut croire d’emblée revient à se fermer à tout apport extérieur. Si le vrai est affaire de révélation, on se met à l’écart d’un univers où le vrai est affaire d’examen. « Somme toute , il faut se détacher de la croyance pour accéder à la connaissance, (quitte à revenir à la croyance par la suite, mais par libre choix) car le jugement réfléchi s’acquiert. »

Pour elle, être élève suppose être disponible à l’étude , être prêt à se forger sa vérité : ce qui suppose un sujet libre , dégagé de toute pression philosophique ou religieuse pour que la pensée se construise librement .

Henri PENA-RUIZ , autre philosophe contemporain , membre de la commission STASI, défend les mêmes thèses :

L’instruction est un processus qui va conduire les élèves à l’autonomie du jugement. Les élèves apprennent en effet à l’école ce qui leur permettra un jour de se passer de maître. Cela implique que les programmes doivent être indépendants de toute allégeance ; cela implique également que les élèves se prêtent au travail de la pensée. Ces objectifs ne peuvent être atteints que si l’école est un lieu distinct où la société civile se met à distance. L’école ne doit pas être un champ clos d’affrontements reproduisant ceux des adultes...

La laïcité à l’école a donc des exigences spécifiques : une protection particulière des élèves s’impose. Il importe que les pressions de la société civile ( famille, associations, prédicateurs....) soient mises à distance pour permettre l’émancipation de tous .

N’oublions pas que « .. là où les croyances divisent, le savoir réunit . » comme l’affirme Henri Pena Ruiz .

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mpb pour la réunion du 04 février 2004

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