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L'héritage religieux - Laïcité Aujourd'hui

L’héritage religieux

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Une recherche personnelle s’appuyant sur les publications de Frédéric Lenoir, Henri Pena-ruiz, Michel Onfray, Luc ferry, Claude Allègre, Jean Tosti, Marieme Hélie Lucas ... et les discours de Benoît 16.

Pour la réunion du 4 novembre 2009

L’héritage religieux

Expression de la volonté d’un testamentaire, un héritage fait ou ne fait pas plaisir, s’accepte ou ne s’accepte pas. En ma qualité d’athée, n’ayant reçu aucune éducation religieuse, je ne vois pas en quoi je pourrais me réclamer d’un quelconque héritage religieux- ou alors, les choses se seraient faites à "l’insu de mon plein gré". Mais la société ne commence ni ne finit à moi-même...Je suis née en terre normande, sur le sol français, je fais partie de l’Europe et du monde occidental et, à ce titre, je suis l’héritière et parfois aussi, le produit de la culture et de l’histoire de cette partie du monde, même si je m’efforce de ne pas ignorer l’autre partie : le monde oriental, qui a suivi une tout autre orientation.

Le monde occidental est incontestablement marqué du sceau du judéo-christianisme, non seulement sur le plan spirituel, sur lequel devrait exclusivement se situer l’action des religions, mais, également, sur les plans culturel, juridique et social. Par l’entremise de l’église catholique, le christianisme a co- gouverné la France jusqu’à ce qu’un mouvement de révolte parvienne à neutraliser les clercs et aboutisse à la loi de séparation des églises et de l’état.

L’offensive que nous constatons et vivons actuellement pour un retour du et des religieux dans le domaine public,- offensive dont le pape se fait le porte parole le plus agressif, et le président Sarkozy le défenseur et le facilitateur-, offensive qui se traduit, entre autres, par des critiques acerbes contre la laïcité, serait-elle le chant du cygne, le combat désespéré, d’une religion moribonde, mise à mal par la Laïcité ? Par ailleurs, l’héritage religieux serait-il déterminant au point de justifier une mention dans le préambule du traité constitutionnel européen ? Ne serait-il pas aussi et plutôt le cheval de Troie destiné à liquider l’héritage de la révolution française et de l’humanisme des Lumières ?

• Pour tenter d’y voir un peu plus clair, je me suis d’abord tournée vers un philosophe « gentil », historien des religions : Frédéric Lenoir, qui a écrit « le Christ philosophe ».

Pour F. Lenoir, le Christianisme c’est avant tout le message du Christ. Ce message a été perverti par les cléricalismes successifs, mais la Renaissance l’aurait fait partiellement renaître sous la forme d’un humanisme laïc. Loin d’avoir perdu la bataille des idées, le message évangélique imprègnerait bien plus qu’on ne le croit, nos sociétés laïques et sécularisées. Et il le démontre de la manière suivante :

Pour commencer, nous sommes les héritiers de l’Europe chrétienne médiévale. Notre culture occidentale est imprégnée de références à mille ans de chrétienté :

 Notre calendrier est calqué sur la naissance du Christ.

 L’année civile de l’ensemble de l’Occident est ponctué de fêtes religieuses chrétiennes.

Nous parlons tous « chrétien », dit F. Lenoir, même sans avoir nécessairement ouvert la Bible. L’Évangile est un inépuisable réservoir d’expressions qui émaillent nos discours quotidiens, aussi banals soient-ils.

 La majeure partie de notre patrimoine artistique a été inspiré par la foi de nos ancêtres jusqu’à la Renaissance.

 Mais, ajoute F. Lenoir, il y a un niveau d’imprégnation du Christianisme plus souterrain, plus profond. Ce Christianisme « invisible », c’est la philosophie du Christ qui modèle les valeurs phares de notre monde occidental. Le message du Christ, étouffé et trahit par les cléricalismes, se serait en quelque sorte, échappé de l’Église pour revenir dans le monde moderne sous une forme laïcisée...

 Et F. Lenoir de s’exclamer : « pourquoi rejeter en bloc tout ce qui vient du judéo christianisme ? Est-ce gênant que les Droits de l’Homme viennent du Christianisme ? Le principal, c’est bien qu’ils existent !

 Y-a-t-il de quoi s’alarmer parce que la devise républicaine française reprend à son compte les préceptes chrétiens de liberté, d’égalité, de fraternité ?

 Faut-il se mettre en colère parce que nos démocrates modernes ont mis en œuvre le principe de séparation des pouvoirs du religieux et du politique prôné par le Christ ? Faut-il condamner la compassion et la dignité de l’être humain parce qu’elles ont été enseignées par Jésus ?

 Ne vaut-il pas mieux une éthique humaniste issue du message judéo-chrétien que la barbarie ?

 Donc, pour Frédéric Lenoir, nous ne sommes pas les héritiers de la religion ni des églises, mais de la philosophie du Christ. En d’autres termes, non à l’institution religieuse, oui aux idées religieuses fondatrices. Notre héritage humaniste, de la Grèce antique et du judaïsme, aux Lumières modernes, passe par le Christianisme. Il nous faut le reconnaître et l’assumer.

Objection, votre honneur, s’indigne Henri Pena-Ruiz !

 Qui s’exclame : « Une théorie récente de plus en plus répandue, voudrait faire remonter aux paroles du Christ l’instauration principielle de la laïcité. Le Christianisme, en distinguant rigoureusement l’ordre temporel et l’ordre spirituel, aurait permis l’émancipation laïque de la politique, en faisant refluer dans la conscience de chacun, la dimension religieuse ».

 Cela revient à faire de l’inspiration laïque une vision comme une autre, banale, sans aucune originalité, induite par une certaine conception religieuse !

 L’idéal laïque ne se réduit pas à la seule séparation du temporel et du spirituel prônée par le Christ. Une telle version passe à côté de l’essentiel, à savoir la dimension positive et affirmatrice d’un idéal qui veut restituer le peuple à lui-même, à sa radicale souveraineté.

 Par ailleurs, l’éloge du Christianisme passe sous silence les terribles réalités historiques qui remontent à l’époque où l’église catholique disposait du pouvoir temporel comme de son « bras séculier ». L’Occident chrétien peut-il s’enorgueillir du thème religieux du « peuple déicide » qui déboucha sur un antisémitisme très virulent là où l’Église était puissante ? Peut-on oublier les hérésies noyées dans le sang et les guerres de religion (3500 morts en un jour à Paris en 1572 lors du massacre de la saint-Barthélémy : autant que lors des attentats islamistes du 11 septembre contre les Twin Towers). Les croisades et les bûchers de l’Inquisition (Giordano Bruno brûlé vif en 1600 à Rome) ? L’index librorum prohibitorum et l’anatématisation de la liberté de conscience (syllabus de 1864) ?

 Quelles racines pour l’Europe ? L’héritage est pour le moins ambigu...

 Quant aux droits de l’homme d’abord proclamés en Europe, ils proviennent de la théorie du droit naturel, elle-même inspirée de l’universalisme stoïcien, et non du Christianisme.

 Si l’on veut évoquer les racines, il faut les citer toutes et de façon équitable. Dissocier la religion des crimes historiques qui s’en sont réclamés et ne pas le faire pour les autres idéaux est injuste. Si Jésus n’est pas responsable de l’inquisiteur Torquemada, pourquoi Marx le serait-il du dictateur Staline ?

H. Pena-Ruiz n’est donc pas d’accord avec cette version d’une laïcité marquée du sceau du christianisme. Une version qui n’est pas sans évoquer le processus d’évangélisation et de conversion mené tambour battant par l’Eglise catholique aux quatre coins du monde...

« Si l’on veut citer les racines, alors il faut les citer toutes », vient de dire H.Pena-Ruiz.

 D’accord, dit Luc Ferry, « nous sommes aussi les héritiers des mythes auxquels nous empruntons des myriades d’images, de métaphores et d’expressions sans toujours en connaître le sens et l’origine ».

 Ces mythes proviennent de multiples traditions orales.

 La mythologie nous livre des messages d’une étonnante profondeur, des perspectives qui ouvrent aux humains les voies d’une vie bonne, sans recourir aux illusions de l’au-delà ; une manière d’affronter la finitude humaine, de faire face à la destinée humaine, sans s’alimenter aux consolations que les grandes religions monothéistes prétendent apporter aux hommes en s’appuyant sur la foi. La pluralité des dieux de la mythologie est aux antipodes du Dieu unique de nos Religions du Livre. La mythologie esquisse une doctrine du salut sans dieu, une spiritualité laïque.

 Alors, la spiritualité laïque induite par l’héritage de la mythologie n’aurait-elle pas mérité d’avoir une place dans le préambule du traité constitutionnel, elle aussi ? Je plaisante, bien sûr, et pourtant...

Michel Onfray, lui, est d’accord avec le constat de F. Lenoir, mais il n’en tire pas les mêmes conclusions !

 L’époque dans laquelle nous vivons n’est pas totalement post-chrétienne, mais elle n’est pas athée non plus. Elle demeure chrétienne et beaucoup plus qu’il n’y paraît. Il parle même « d’athéisme chrétien ».

 La religion chrétienne demeure très présente à travers notre manière fondamentale de concevoir le monde, les relations entre les individus, le repère à soi, les repères qui nous guident et fondent notre « agir ».

 La pensée laïque, n’est pas une pensée « déchristianisée », mais « chrétienne immanente », imprégnée de l’éthique judéo-chrétienne.

 Contrairement à F. Lenoir, M. Onfray trouve que c’est dramatique et qu’il est nécessaire et légitime de faire un tri critique dans le legs judéo-chrétien : culpabilisation, conception de la souffrance, rapport au corps, bio-éthique,...

 Par ailleurs, M. Onfray pense que notre époque est plutôt nihiliste au sens Nietzschéen du terme. Nous sommes dans une période intermédiaire caractérisée par une incapacité à distinguer clairement les contours éthiques et métaphysiques : tout paraît bon et bien, le mal également, tout peut être dit beau, même le laid, le réel semble moins vrai que le virtuel, la fiction remplace la réalité, l’histoire et la mémoire ne font plus recette dans un monde dévot de l’instant présent, déconnecté du passé et sans relation avec le futur. L’époque est nihiliste parce que sans boussole et sans projets pour quitter la forêt où l’on s’est perdu !

 Accusé par F. Lenoir de vouloir déconstruire un ordre ancien, avant même de savoir par quoi le remplacer, M. Onfray prône la déchristianisation comme nécessaire. Une déchristianisation sans « voies de fait », sans les violences du siècle dernier. « Une inquisition à l’envers, n’est pas plus légitime ou défendable que celle de l’église catholique en son temps ».

 « Le post chrétien a des leçons à prendre du préchrétien : une morale de l’honneur et non de la faute, une règle du jeu immanente et non un processus transcendant...

 Contrairement à F. Lenoir, M. Onfray pense que la réponse au nihilisme n’est pas dans la restauration du Christianisme, « D’aucuns, prenant acte du déclin chrétien, concluent à la nécessité de travailler à sa renaissance, soit en se retournant vers un intégrisme, soit en visant une nouvelle réforme. L’impérialisme planétaire américain opte pour un christianisme fondamentaliste et met en perspective de son combat, dans sa ligne de mire, plutôt, l’islamisme devenu l’opium le plus actif des cultures et des minorités opprimées.

 Il faut donc, selon M. Onfray, aller vers un athéisme véritable, qui récuse aussi bien la Torah, le Nouveau testament et le Coran pour leur préférer les Lumières de la raison et les clartés de la philosophie occidentale. Élaborons une morale plus modeste, mais à même de produire de réels effets . Non plus une morale du héros et du Saint, mais une éthique du sage.

 Donc pour M. Onfray, nous sommes bien dans l’héritage chrétien, mais il faut au plus vite s’en débarrasser parce qu’il est asservissant et paralysant.

• Et la Science, qu’en dit-elle de l’héritage religieux ?

 Rappelons-nous Galilée...

 Dans « Dieu face à la science », Claude Allègre explique que la science occidentale a émergé à la Renaissance, période à partir de laquelle elle a pris le pas sur la Chine, et ce, grâce au développement des universités, encouragé par l’Eglise, afin de répondre aux interrogations suscitées par la Bible. La science occidentale s’est envolée « sous le patronage de Dieu » s’exclame C. Allègre. Il s’agissait de comprendre la matière pour se rapprocher de Dieu, découvrir les lois, les règles conçues par Dieu.

« La religion chrétienne a attiré sur son territoire l’essor de la science, mais elle a ensuite très vite cherché à le contrôler ».

 L’Église a fourni des savants de grande qualité : Copernic, Mendel, ... Mais certains se sont opposés à elle pour défendre la modernité. Elle a pu retarder les progrès scientifiques, ici ou là, rendu les vies de penseurs éminents difficiles, mais les attaques religieuses n’ont été réellement efficaces que lorsque l’Église a eu des relais politiques et le pouvoir d’intervenir sur le plan judiciaire (cf sous la Restauration). Dans l’ensemble, les attaques des Églises n’ont jamais pu étouffer totalement la science, les outrances se sont souvent retournées contre elles et ont assuré une publicité à la science.

 La zone d’influence catholique a subi un préjudice considérable du fait de l’attitude versatile, souvent hostile, de l’Église et de la papauté. C. Allègre souligne un paradoxe : s’il apparaît que sans l’Église catholique la science ne se serait pas développée en Occident, il est tout aussi certain, qu’à cause d’elle, elle s’est beaucoup plus épanouie dans le monde protestant que catholique. En France, il a fallu l’intervention vigoureuse de l’État pour développer les sciences naturelles et la technologie (mais aussi le capitalisme et la banque), en pays protestant, ce fut fait « naturellement », sans intervention aucune de l’État.

 La seule grande période scientifique en France, a été le XIXème siècle, l’État décidant de tout, l’Église étant marginalisée.

 La science n’a pas joué un rôle très positif dans le développement des religions. Dans la sphère des religions du Livre, le recul est plus net qu’ailleurs. Chaque grande confrontation s’est soldée par un recul de la religion. D’où une attitude un peu plus tolérante...Mais le combat est loin d’être gagné...le créationnisme, entre autres, est de retour...

• A la lueur de tout ce qui précède, il est permis de se demander s’il était opportun et justifié de mentionner l’héritage religieux dans la constitution européenne (rappelons que J.Paul II et Benoît XVI auraient préféré qu’il soit clairement écrit « chrétien »)

Jean Tosti (ATTAC) : « On cherchera en vain le mot « laïcité » dans le texte du traité constitutionnel. Certes, dans l’Europe des 25, la France fait partie des rares pays incluant le principe de laïcité dans leur constitution, tandis que d’autres possèdent soit une religion d’état, soit des Églises d’état. On pourrait donc très bien admettre que la nécessaire cohésion européenne justifie l’absence de référence à la laïcité. Mais il faudrait alors qu’il en aille de même avec la religion, ce qui est loin d’être le cas. La convention chargée d’élaborer le texte constitutionnel a subi de nombreuses pressions de lobbies religieux, en particulier l’Église catholique romaine, et ces pressions ont payé ».

 Les articles définissant les relations de l’Union européenne avec les Églises sont par ailleurs en contradiction avec notre constitution ex : « reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces églises et organisations », ou « la liberté reconnue de manifester sa religion en public ou en privé ».

Jean Tosti trouve dans cette constitution qui préfère le dialogue avec les églises à la laïcité, qui ne fait aucune mention du divorce ou du droit des femmes à disposer librement de leur corps, de quoi s’inquiéter, car il marque une nette régression par rapport aux législations de plusieurs pays européens. Il ajoute : « face au désarroi et à la misère provoqués par les méfaits de la mondialisation libérale, le retour à l’ordre moral, selon le modèle états-uniens, apparaît comme un choix politique de l’Europe, déjà concrétisé par les faits. »

 Par ailleurs, comme le dit Pena-Ruiz, « l’occident chrétien n’a rien à se glorifier d’idéaux construits contre ses pesanteurs idéologiques ». A penser comme le fait le président Sarkozy la religion comme essence de la culture et de la vie sociale qui en hérite, constitutive de la vie sociale,, on fait plus que jouer sur une ambigüité : on légitime la dérive cléricale. »

 De là à considérer cette mention de l’héritage religieux comme le cheval de Troie destiné à liquider l’héritage de la Révolution française et de l’humanisme des Lumières, il n’y a qu’un pas que je n’hésite pas à franchir. D’autant que nous avons des preuves, au quotidien...

• Alors, demain, la guerre ?

 Ecoutons Benoît XVI : « La référence à l’héritage chrétien peut contribuer de manière significative à la défaite d’une culture maintenant répandue dans toute l’Europe, et qui relègue la manifestation de la conviction religieuse dans la sphère du privé et du subjectif. Les politiques construites sur cette base impliquent non seulement le rejet du rôle public du christianisme, mais plus généralement, elles excluent la reconnaissance de la tradition religieuse de l’Europe, si évidente malgré sa diversité confessionnelle, affaiblissant le principe même de la démocratie qui est basée sur les valeurs qu’elle défend ; »

 Écoutons-le encore, ou plutôt lisons-le, dans son encyclique « veritas in caritate ». Il exclut les athées des « hommes de bonne volonté » et les désigne à la vindicte populaire au prétexte qu’ils seraient « les plus grands obstacles au développement », et ce, pour la simple et unique raison qu’ils sont indifférents au Dieu des Chrétiens ! Leur humanisme serait un humanisme « inhumain ». N’est-ce pas un peu agressif ? Cela ne ressemble-t-il pas à une déclaration de guerre ainsi qu’à une tentative de reconquête de l’espace politique ?

 Evoquant le triste sort du Chevalier de la Barre, atrocement torturé et exécuté à l’âge de 19 ans pour avoir blasphémé en refusant de se découvrir au passage d’une procession catholique, et fait aggravant, avoir été en possession d’une copie du Dictionnaire Philosophique de Voltaire, Marieme Hélie Lucas, co-fondatrice de Femmes sous Lois Musulmanes, écrit : « Si dès maintenant , nous n’y prenons pas garde, si les forces progressistes n’ont pas assez de clarté politique devant ce qui se passe actuellement, si les musulmans progressistes, les agnostiques et les athées de pays musulmans ne sont pas écoutés lorsqu’ils mettent l’Europe en garde, alors d’autres Chevaliers de la barre pourraient être mis à mal. Pour ceux qui ne croient pas en un ou des dieux, il est inconcevable de devoir adorer publiquement ce qui n’est pour eux qu’idoles de facture humaine. Que les croyants s’en fassent l’obligation, c’est leur affaire et leur droit, mais les lois de la République, les lois européennes ou les traités internationaux ne sauraient l’imposer à tous ».

 Dans « Laïcité : un héritage en péril », Daniel Lefeuvre et Michel Renard, écrivent : « Une longue « guerre de trente ans », a été nécessaire aux républicains de la IIIème République pour imposer, à l’église catholique, que les convictions et les pratiques religieuses se cantonnent dans la sphère privée. La même fermeté de l’État, légitimé par le suffrage universel, doit aujourd’hui se manifester. La France est placée devant le défi de sauvegarder ou de renoncer à cet héritage. Si l’on souhaite le pérenniser et le faire vivre, alors, comme nous y invite Elie Barnavi dans ses Religions meurtrières (Flammarion 2006), il faut réaffirmer quelques règles simples, dont l’application ne doit souffrir aucune discussion, aucune compromission, aucune dérogation... Ici, la conscience est autonome et la religion du libre choix de l’individu. Ici on ne tolère aucune manifestation du sectarisme religieux.... La république est bonne fille, elle doit apprendre à sortir ses griffes. Elle ne doit pas seulement interdire qu’on enfreigne ses lois, elle doit exiger qu’on embrasse son éthique ».

 Cela vaut pour tous, même et surtout, au plus haut sommet de l’État...

 Le dernier mot sera pour H. Pena-Ruiz s’exprimant sur le discours de N. Sarkozy au Vatican :

« Soutenir que la religion mérite un privilège public car elle seule ouvrirait sur le sens profond de la vie humaine, est une profession de foi discriminatoire. Il est regrettable qu’à un tel niveau de responsabilité cinq fautes majeures soient ainsi conjuguées : faute morale, faute politique, faute juridique, faute historique, faute culturelle.

Toute valorisation unilatérale d’une civilisation implicitement assimilée à une religion dominante risque de déboucher sur une logique de choc des civilisations et de guerre des dieux. Il n’est pas judicieux de revenir ainsi à une conception de la nation ou d’un groupe de nations qui exalterait un particularisme religieux, au lieu de mettre en valeur les conquêtes du droit, souvent à rebours des traditions religieuses. Comment des peuples ayant vécu avec des choix religieux différents peuvent-ils admettre un tel privilège pour ce qui n’est qu’un particularisme, alors que ce qui vaut dans un espace politique de droit, c’est justement la portée universelle de conquêtes effectuées souvent dans le sang et les larmes ?

Si l’Europe a une voix audible, ce n’est pas par la valorisation de ses racines religieuses, mais par celle de telles conquêtes. La liberté de conscience, l’égalité des droits, l’égalité des sexes, toujours en marche, signent non la supériorité d’une culture, mais la valeur exemplaire de luttes qui peuvent affranchir les cultures, à commencer par la culture dite occidentale, de leurs préjugés. Simone de Beauvoir rédigeant Le Deuxième Sexe pratiquait cette distanciation salutaire pour l’Occident chrétien. Taslima Nasreen fait de même au Bangladesh pour les théocraties islamistes. La culture, entendue comme émancipation du jugement, délivre ainsi des cultures, entendues comme traditions fermées.

Assimiler l’individu à son groupe particulier, c’est lui faire courir le risque d’une soumission peu propice à sa liberté. Clouer les peuples à des identités collectives, religieuses ou autres, c’est les détourner de la recherche des droits universels, vecteurs de fraternité comme d’émancipation. Le danger du communautarisme n’est pas loin.

M.D.

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