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Le foulard dans un club de fitness : point de vue du juriste - Laïcité Aujourd'hui

Le foulard dans un club de fitness : point de vue du juriste

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"A l’occasion d’un article intitulé « Expulsée d’un club de fitness parce qu’elle porte le foulard », L"UFAl nous livre un commentaire de Charles Arambourou qui n’engage que son auteur. Les instances de l’UFAL reviendront s’il le faut sur ce dossier, dans la mesure où il aurait des suites judiciaires.


L’article cité manque manifestement de précision, et de rigueur juridique (ainsi, rien ne permet de titrer sur « un règlement intérieur illégal », puisque ce règlement n’est pas connu, et qu’aucun juge ne l’a encore déclaré tel). Néanmoins, quelques rappels généraux peuvent être faits.

Les règles de laïcité ne s’appliquent que dans l’espace public institutionnel (services publics, collectivités publiques, et élèves des écoles).

En revanche, l’espace public de la "société civile" (où s’applique la "tolérance", comme le rappelle C. Kintzler) est régi par le droit commun, pas par la loi de 1905 ni celle du 15 mars 2004 (interdiction des signes religieux ostensibles à l’école). Une personne privée recevant du public est libre de décider des règles qui s’appliquent chez elle... sous réserve que celles-ci respectent l’ordre public, c’est-à-dire non seulement l’absence de trouble civil, mais aussi les libertés personnelles.

Or l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme dispose que « la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé » ne peut être limitée que par la loi, à condition que ce soit pour des buts légitimes et de façon proportionnée. Rappelons qu’au nom de ce même article 9, la Cour européenne des droits de l’homme vient de débouter deux plaignantes, exclues d’un collège pour avoir refusé d’ôter leur voile en cours d’EPS (affaires Kervanci et Dogru contre France, CEDH, 4 décembre 2008 -lien-, commenté dans UFAL Flash) : les laïques auraient tort de ne pas tenir compte de ce cadre juridique international, qui consacre le principe de laïcité appliqué à l’école.

Aucune loi ne limite, dans l’espace public de la société civile, le droit de porter le voile islamique : pour autant, des limitations contractuelles restent possibles.

Ainsi une "association laïque de loisir" (privée) peut parfaitement demander à ses adhérents de proscrire tout signe d’appartenance religieuse dans le cadre de ses activités, parce que la laïcité figure dans son objet même.

Un club privé de fitness le peut-il ? Son objet ne le lui permet pas. Il lui faut dès lors justifier que l’interdiction est motivée par un intérêt légitime (éviter les troubles, par exemple, compte tenu d’un contexte particulier), ou par des considérations propres à l’activité (le port d’un voile a été refusé à juste titre en cours d’EPS, pour des motifs de sécurité, a constaté la Cour européenne dans les deux arrêts précités). Ces mesures doivent être en outre proportionnées au but recherché (le voile causait-il un trouble réel et suffisamment grave pour justifier l’interdiction ?). C’est sous le contrôle du juge que sont appréciées ces conditions, après examen de chaque situation concrète.

Au cas d’espèce, on ne sait pas si le règlement intérieur disposait clairement de l’interdiction du voile, et/ou s’il avait été remis à l’intéressée. En revanche, il semble que, lors de la conclusion du contrat de prestation, l’exploitant n’en a pas prévenu sa cliente.
Il est donc à craindre, sous réserve d’informations complémentaires, que l’affaire ne tombe sous le coup de l’art. 225-2, § 1 du Code pénal (discrimination à raison de l’appartenance à une religion déterminée, par refus de fourniture d’un service).

Gardons-nous toutefois de tirer des conclusions généralisantes, forcément fausses, de cas particuliers.

Si l’exploitant du club de fitness concerné est condamné, cela ne signifie pas qu’aucun de ses confrères n’ait le droit de réglementer l’ordre interne de son propre établissement : il faut simplement qu’il respecte le cadre décrit ci-dessus, ou qu’il se réclame explicitement de la laïcité, ou de la neutralité religieuse. Nul n’est censé ignorer la loi, surtout pas les laïques.

Il faut se montrer aussi ferme dans la défense des libertés que dans celle de la laïcité, qui n’est qu’une réglementation des libertés individuelles au nom d’un intérêt public supérieur."


L’article original a été publié dans la lettre de l’UFAL n° 74, nous en avons souligné certains passages en caractères gras.

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