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1908 Le tract de l'Abbé Piriou - Laïcité Aujourd'hui

1908 Le tract de l’Abbé Piriou

, popularité : 20%

"La loi de laïcisation de l’enseignement public du 28 mars 1882 avait suscité une polémique :

les manuels de morale et d’instruction civique de Paul Bert, Gabriel Compayré, Mme Henri Gréville et du pasteur Jules Steeg, officiellement acceptés dans les établissements primaires publics, furent condamnés dès décembre de la même année par la Sacrée Congrégation de l’ Index parce qu’ils exposaient des principes areligieux...

La tension entre Rome et le gouvernement Ferry atteint son paroxysme lorsque les ecclésiastiques menacèrent de priver de sacrements les utilisateurs de ces manuels et que le gouvernement riposta en suspendant les traitements de 2000 de ces prêtres."

Y. Triper : La laïcité, ses prémices et son évolution depuis 1905 L’Harmattan

L’ Index frappa encore d’autres ouvrages .

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L’abbé PIRIOU ( directeur - imprimeur et gérant du journal l’Alerte ) estimant que les enfants contraints d’utiliser ces livres étaient persécutés, rédigea un tract et le distribua dans plusieurs communes de l’arrondissement de Quimper, dont Rosporden.

"Ce tract édité par l’imprimerie du « Bulletin du catéchisme » de Quimper est « la continuation de la campagne menée par la réaction contre l’enseignement primaire et les instituteurs pour discréditer l’École laïque parmi les populations rurales. Ainsi que l’indique la feuille ci-jointe, cette campagne se poursuit sous toutes les formes avec le concours de Comités et d’ Associations dites « des Pères de famille », et n’est autre qu’une tactique déguisée du parti clérical en vue des prochaines élections législatives" .

Source : Lettre du Commissaire Spécial datée du 1O/12/1909 et transmise au Directeur de la Sûreté Générale à PARIS et au Préfet du Finistère

tract : décryptage

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ASSIGNATION DEVANT LE JUGE DE PAIX

Les enseignants de l’école des garçons de Rosporden, ayant estimé que ce tract leur porte préjudice, saisissent la justice.

L’abbé PIRIOU est assigné devant le juge de paix de Quimper par les 5 instituteurs de l’école de Rosporden, soutenus par l’Association des Instituteurs du Finistère, la « Solidarité ».

- Une somme de 5000 F de dommages- intérêts est réclamée par les 5 instituteurs.

Sources : Le Courrier du Finistère N° 1576 du 2 Avril 1910

2 AVRIL 1910 : TENTATIVE DE CONCILIATION

- Un procès-verbal de non-conciliation est dressé le 2 Avril 1910 par devant Pierre Jacq, juge de paix du canton de Quimper, en présence de Maître Le Diberder, défenseur des 5 instituteurs, et Maître Le Ninivin, avoué, agissant au nom de M. l’abbé Piriou.

Sources : Archives départementales du Finistère : Justice de paix - Quimper - Minutes 1910 ( Réf 54 U 8 art. 149 )

29 JUIN 1910 : AUDIENCE DU TRIBUNAL CIVIL DE QUIMPER par la Semaine Religieuse, puis par Le Citoyen

« Au nom de M. l’abbé Piriou, Maître Trémintin a plaidé l’incompétence du tribunal civil : les textes incriminés contenant tous les éléments d’une diffamation : « A l’école des garçons de Rosporden..., chaque jour, des enfants sont punis, ridiculisés, renvoyés, parce qu’ils ne veulent pas se servir des livres condamnés par les évêques ». Il s’agit bien là de faits précis et déterminés, de nature à porter atteinte à la considération professionnelle. Maître Trémintin l’a démontré avec une netteté indiscutable.
Mais M .le Procureur de la République prétend que le fait diffamatoire ne peut exister que si les actes dénoncés sont illégaux, et il a soutenu que l’acte d’un instituteur public renvoyant un enfant uniquement parce qu’il ne veut pas apprendre sa leçon dans un livre qui viole la neutralité, et donc la loi, est un acte légal.
Le tribunal, sans se prononcer expressément sur ce point, s’est déclaré compétent.
La thèse du ministère public paraîtra singulièrement hardie à tous ceux qui ont cru à la neutralité scolaire. Il reste à savoir, d’ailleurs, si elle doit faire jurisprudence : nous en serions bien étonnés ».

Audience du 29 juin : Les instituteurs de Rosporden contre l’ « Alerte »

« Maître Trémintin, qui assistait à la barre M. l’abbé Piriou, a plaidé l’incompétence du tribunal en soutenant le caractère diffamatoire, et non simplement injurieux, de la publication dont il s’agit.

Maître Le Diberder, au nom des demandeurs, a combattu ces conclusions et demandé au tribunal de se déclarer compétent.

M. le Procureur de la République s’est prononcé dans le même sens.

Le tribunal, adoptant la thèse soutenue par Maître Le Diberder, avocat des instituteurs, a déclaré que les articles incriminés ne contenaient aucune diffamation, qu’ils ne visaient aucun fait précis pouvant porter atteinte à l’honneur et à la considération des instituteurs de Rosporden.

En conséquence, le tribunal s’est déclaré compétent, a débouté M. Piriou de son exception, et l’a condamné aux dépens de l’incident. »

« Déjà le 28 juin 1910, cette affaire avait été appelée devant le tribunal. L’avocat du défendeur plaida l’incompétence, attendu, disait-il, que les faits incriminés contenaient tous les éléments d’une diffamation.
Le ministère public, par la voix de M. le Procureur de la République, combattit cette thèse, l’acte reproché aux instituteurs étant un acte légal et, de ce fait, la circulaire rédigée contre eux constituant uniquement une campagne injurieuse ».

Sources : Le Citoyen n° 16 du 2 Juillet 1910 et n° 49 du 9 Décembre 1911

COUR D’ APPEL DE RENNES

La thèse du ministère public prétendant que le fait diffamatoire ne peut exister que si les actes dénoncés sont illégaux a prévalu devant la Cour d’Appel de Rennes.

Sources : Le Citoyen N° 49 du 9 Décembre 1911, Le Courrier du Finistère N° 1663 du 2 Décembre 1911, Le Progrès du Finistère N° 248 du 25 Novembre 1911

16 décembre 1911 : JUGEMENT RENDU PAR LE TRIBUNAL DE QUIMPER

- L’abbé Piriou est condamné à payer à chacun des 5 plaignants 25 F à titre de dommages et intérêts.

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Le ministre a été saisi

Voici la réponse faite par M. Doumergue, Ministre de l’Instruction publique, à M. l’abbé Gayraud, qui lui avait demandé quelles mesures il comptait prendre "pour donner satisfaction aux parents qui se plaignaient que les livres contraires à leurs croyances religieuses soient mis dans les écoles entre les mains de leurs enfants."

Réponse du ministre

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Notes :

Le Citoyen du 16 avril 1910 a édité un supplément ( dont nous avons copie ) sur cette question des manuels scolaires.

Voir aussi :

- La déclaration des cardinaux, archevêques et évêques de France aux pères de famille de leur pays, dans l’écho paroissial de Brest du 20 septembre 1908,

- La lettre pastorale des mêmes sur les droits et devoirs des Parents relativement à l’école ( quelques mois plus tard ? date ? ).

Nos remerciements aux membres du bureau de l’Autonome de Solidarité du Finistère qui nous ont transmis le dossier qu’ils avaient eux-mêmes constitué sur cette affaire, dossier que nous avons enrichi.

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