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Observatoire chrétien de la Laïcité - Le Manifeste - Laïcité Aujourd'hui

Observatoire chrétien de la Laïcité - Le Manifeste

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« Toute personne a droit à la liberté de penser, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public, qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.[…] »

(Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, article 18, 10 décembre 1948)

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I - QU’EST-CE QUE LA LAICITE ?

1) L’actualité rend urgent de redonner tout son sens au projet laïque. Relevons, en particulier : la montée des violences liées à la confusion du politique et du religieux, la prétention des nostalgiques de la chrétienté d’imposer des « valeurs chrétiennes » à l’Europe en construction, la tentation de remplacer une société pluraliste de citoyens par une mosaïque de communautés isolées, avec leurs services sociaux, leurs écoles, leurs pratiques séparées, au nom d’un prétendu droit à la différence qui conduit à une forme d’apartheid volontaire. Dans ce contexte, nous considérons que la laïcité est une des valeurs qui conditionnent l’avenir de la démocratie et le respect des Droits de l’Homme dans le monde et en particulier en Europe et en France.

2) La laïcité prescrit la séparation du politique, qui régit l’organisation générale des sociétés humaines, et du religieux ou du philosophique, qui permettent à tout être humain de choisir le sens qu’il donne à sa propre vie. Le premier domaine ressortit dudroit public, tandis que le deuxième ressortit du droit privé (1).

3) Il en résulte que tout groupe de conviction a le droit de s’exprimer de façon ouverte dans la cité, de pratiquer son culte et ses rites, d’enseigner ses sympathisants ou ses membres. Il ne peut en revanche vouloir imposer à tous les règles qu’il s’est données à lui-même. Son fonctionnement est donc soumis à la loi démocratique, elle-même soumise à la Déclaration des Droits de l’Homme.

4) La République veille au respect de la liberté individuelle, qui est le premier bienfait de la démocratie. Ce faisant, elle protège les personnes de toutes croyances d’une éventuelle servitude à l’égard de leur propre groupe (tendance sectaire), prenant garde en particulier qu’ils ne soient l’objet d’aucune pression et qu’ils puissent librement changer de conviction.

5) La République garantit le droit de critiquer publiquement religions et pensées philosophiques, jusqu’à l’ironie ou la comédie, dans les limites de la loi : aucune conviction organisée ne doit à ce sujet revendiquer un caractère intouchable ou sacré.

6) La laïcité garantit aussi la liberté de la recherche scientifique et de la création artistique, interdisant qu’elles ne tombent sous la tutelle d’un « lobby » quel qu’il soit (religieux, philosophique ou économique).

7) Quand des questions d’éthique se posent, les autorités publiques peuvent réunir un comité d’experts réputés pour leur compétence et leur liberté d’esprit ; s’ils sont connus pour adhérer à un groupe de conviction, cela ne peut être un motif d’exclusion ni d’appel.

8) La liberté individuelle protégée par la laïcité ne peut s’épanouir que si la République propose à la jeunesse une formation dans un système éducatif à l’abri de toute pression idéologique ou économique, où toutes les composantes de la société pourront se retrouver et se connaître. L’enseignement des « faits religieux », et non des religions, entre naturellement dans cette éducation (rapport de Régis Debray).

9) Cette même liberté individuelle serait un vain mot si la République ne veillait pas à ce que tous aient des conditions de vie décentes, qui leur permettent de devenir des citoyens actifs et responsables. L’existence de situations de pauvreté dramatiques risque de favoriser un communautarisme. Certains sont amenés à croire que des lois tacites, quelquefois venues de l’horizon religieux, et qui règlent un comportement qui se veut identitaire, sont au-dessus des lois communes. Ces situations mettent la République devant un urgent devoir.

II – CE QUE LES CHRETIENS ONT ENCORE A DIRE

1) Nous nous considérons comme des militants convaincus de la laïcité ; nous prenons part au débat comme tous les autres citoyens.

2) Nous rejetons toute démarche visant à obtenir au sein de la société un rôle particulier, voire des prérogatives, pour l’ensemble ou l’une quelconque des religions.

3) Même si la laïcité nous paraît tout à fait conforme à l’esprit de l’Évangile, nous n’avons pas oublié que le christianisme a longtemps dominé les sociétés européennes, parfois avec violence, et que l’Église catholique s’est presque toujours opposée à la sécularisation de la société française qui devait aboutir à la laïcité.

4) Nous n’admettons pas une attitude qui consisterait à reconnaître les bienfaits de la laïcité tout en en dénaturant le sens, sous le nom de « laïcité ouverte », et à vouloir redonner aux religions une fonction institutionnellement reconnue sous prétexte qu’elles seraient « expertes en humanité ». Nous dénonçons, par exemple, les pressions multiformes de l’Église catholique, sous le couvert d’une prétendue « loi naturelle », pour obtenir que l’avortement soit interdit par la loi.

5) Nous sommes aussi attachés à la laïcité parce qu’elle nous permet d’approfondir notre propre foi. Elle nous aide en effet à prendre conscience de façon plus évidente que nous appartenons à la communauté humaine avant d’être des croyants. Ce n’est pas dévaloriser la foi religieuse que d’affirmer qu’aucune Révélation ne doit prétendre avoir la primauté sur la loi commune, elle-même fondée sur les Droits de l’Homme. Cette liberté permet d’approcher de plus près le mystère de ce Dieu caché qu’annonce l’Évangile et qui suscite notre autonomie.

6) La recherche théologique qui permet à toute foi religieuse de s’enrichir se trouve fortement encouragée par la liberté avec laquelle elle peut être menée. L’indépendance de toute recherche intellectuelle et de toute prise de position dans une société laïque est une garantie pour que la liberté de parole soit préservée au sein des religions. On peut espérer voir le fonctionnement de leurs institutions évoluer alors dans un sens plus démocratique.

7) Selon les Évangiles, notre référence, Jésus manifeste un constant refus de prise des pouvoirs tant politique que religieux, et il remet en cause ces pouvoirs dans la mesure où ils dominent et oppriment. C’est pour nous une indication : sans fonder directement l’idéal laïque, qui est un acquis de l’histoire commune, Jésus nous invite à ne pas confondre nos domaines d’engagement, tout en visant à les rendre cohérents.

C’est pour affirmer notre attachement à la laïcité républicaine et pour exhorter nos Églises à être pleinement fidèles à ce qu’elles sont censées annoncer que nous avons décidé de créer cet Observatoire Chrétien de la Laïcité.

Paris, le 11 septembre 2003

(1) « En termes de droit, est public ce qui concerne tous les hommes d’une nation ou d’une communauté politique. Est privé ce qui intéresse un homme ou plusieurs, librement associés par exemple dans une communauté religieuse. » Henri Pena-Ruiz ( « La Laïcité »)

Les associations signataires :

• Chrétiens pour une Église Dégagée de l’École Confessionnelle (CEDEC)

• Droits et Liberté dans les Églises (DLE)

• Espérance 54 (Meurthe et Moselle)

• Les Amis du 68 rue de Babylone (Paris)

• Nous Sommes Aussi l’Église (NSAE).

• Femmes et Hommes en Eglise

• Partenia 77

• Partenia 2000

Ces associations font partie de la fédération des Réseaux du Parvis, et travaillent au sein du Réseau Européen Église de Liberté.

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