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Atelier laïcité - DDEN - Laïcité Aujourd'hui

Atelier laïcité - DDEN

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A la suite de notre intervention lors de leur congrès en 2012, les DDEN-29 ont souhaité travailler à nouveau sur le thème de la laïcité. Voici l’exposé qui a servi de support le 7 novembre 2015 à Quimerc’h.

Lors de l’assemblée générale à Léchiagat, le 11 avril 2015, nous n’avions pas eu le temps …
Je souhaitais parler laïcité dans le contexte de l’après Charlie... Des mois se sont écoulés mais le temps n’a rien effacé. De mauvais augures nous annoncent que des actes similaires vont se reproduire ….

J’ai donc choisi de conserver cette entrée pour aujourd’hui, avec ces questionnements :

Que peut faire l’école face à cela ?

Quel rôle pour le DDEN ?

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7, 8 et 9 janvier à Paris … Rappelez-vous … Une violence inouïe qui nous a sidérés …

Très vite nous avons entendu, venant de toutes parts, de tous bords politiques, des appels au secours en direction de l’école : la laïcité ! Développez la laïcité, renforcez la laïcité !

Sans tarder, la ministre envisageait des dispositions … et dans les médias, les experts dissertaient, dissertaient … …

Il se trouve que deux mois avant ces événements, j’étais intervenu, sur le thème de la laïcité, devant des profs principaux de collèges et de lycée, et le lendemain, une enseignante m’avait interpelé : « Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? ». Inquiétant, non ? …

Voilà qui ne peut qu’interpeler les DDEN que nous sommes … Aujourd’hui a-t-elle seulement trouvé un début de réponse à sa question ?

« Comment des jeunes qui sont nés et ont grandi en France ont-ils pu basculer dans cette barbarie ? » C’est le philosophe Abdenour Bidar qui s’interroge ainsi. Il est membre de l’observatoire de la laïcité.

Depuis le ministère s’est positionné :

« Après les attentats qui ont visé le cœur des valeurs républicaines, la mobilisation du peuple français est porteuse d’une exigence vis-à-vis de l’ensemble de la société, et singulièrement de l’École dont le rôle et la place dans la République sont inséparables de sa capacité à faire vivre et à transmettre la laïcité. …

plus loin …

L’École est, et sera en première ligne, avec fermeté, discernement et pédagogie, pour répondre au défi républicain, parce que c’est son identité et sa mission profonde. École et République sont indissociables. Elles doivent le rester. »

11 mesures ont été rapidement publiées.

En fait, ces dispositions ne font que reprendre l’article l-111.1 du code de l’éducation, repris dans le préambule de la charte de la laïcité :

« La Nation confie à l’école la mission première de transmettre et de faire partager les valeurs de la République. »

Liberté, Egalité, Fraternité : 3 valeurs universelles, fondements de notre modèle d’organisation sociale, 3 valeurs qui, pour vivre, se développer, s’épanouir, s’appuient sur le principe de laïcité. Cf. exposé 2012.

Une mission première précise le texte de loi, pas un enseignement ou une responsabilité parmi d’autres : ces valeurs sont constitutives de l’identité-même de l’école de la République… Et le législateur insiste : il ne s’agit pas simplement de les faire connaître ou de les faire apprendre, il s’agit de les faire partager, c’est à dire d’abord de bien faire mesurer aux élèves ce qu’elles portent, en quoi elles sont utiles voire nécessaires à l’organisation de notre société, et surtout combien elles sont décisives pour la liberté et l’avenir de chacun.

Notez aussitôt que ceci suppose une formation, mais surtout de la conviction, de l’engagement de la part de tous les enseignants.

Et bien des observateurs se posent la question : Où en sommes-nous aujourd’hui de cet engagement ?

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Revenons début janvier

Nous avons tous été profondément touchés par ces massacres : lâches assassinats, ignobles exécutions, …

Moments de stupeur, moments douloureux … suivis d’une longue période de sidération, puis très vite, a émergé le souhait de comprendre, pour dépasser ce mal-être que nous n’arrivions pas à effacer. Quelles raisons, quelles motivations derrière de tels drames ? Avec cette idée lancinante pour l’avenir : et si cela venait à se reproduire ?

Mais pourquoi, cet appel spontané à la laïcité ?

- Certainement parce que les auteurs justifiaient leurs actes odieux en brandissant leur religion. Un réflexe immédiat …

- Certainement aussi parce que c’est exactement ce que la laïcité avait écarté de notre pays depuis plus de 100 ans.

C’est ouvertement la liberté d’expression qui était attaquée, et avec la liberté d’expression, c’est la liberté de conscience et notre modèle républicain qui étaient visés. Quant au massacre du 9 janvier et son caractère antisémite, il ravivait les pires souvenirs de notre histoire. J’aurai ici une pensée pour Jean Zay

Dans chaque communauté religieuse, prospèrent des fondamentalistes, des intégristes, ceux-là mêmes qui se qualifiaient d’intégralistes au départ, … A ne surtout pas confondre avec la majorité des croyants … Les citoyens français de confession musulmane ne sont pas comptables des actes terroristes de janvier. Ne s’agissait-il pas là d’actes de barbares, actes de barbarie que nous pensions appartenir à un passé révolu ? … Actes de fanatiques …

Qu’est-ce qu’un fanatique ?

Voltaire le décrivait ainsi dans son dictionnaire philosophique en 1764 :
Le fanatique est un homme qui ne tient aucune distance entre son être et ses croyances. Quand ses croyances sont mises en cause, caricaturées, ou sont l’objet de dérision, il croit - bien à tort- sa personne atteinte. Dès lors, il est prêt à user d’une violence déchaînée…

Je cite Voltaire : « Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ? ». Remarquez combien «  égorger  » pour plaire à Dieu prend aujourd’hui une connotation réaliste.

Jean Goulemot* renchérit : « Le fanatisme animalise l’homme, il le rend esclave de sa déraison et le rejette dans les ténèbres de la préhistoire. S’éloigner du fanatisme, c’est accéder à la civilisation, faire que l’esprit domine le corps et la barbarie, être un homme libre en respectant la liberté des autres ».

N’est-ce pas là un des rôles premiers de l’école ?

* Jean Goulemot, l’un des directeurs de l’Inventaire Voltaire paru chez Quarto.

Rappelons-nous que c’est dans la lutte contre le fanatisme religieux que sont nées la reconnaissance des droits humains … la liberté de conscience … l’égalité des droits pour tous les citoyens, quelles que soient leurs options spirituelles. Certains pays vivent encore cruellement ce fanatisme à l’heure qu’il est.

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Blasphème ! ont encore avancé certains… bien que la notion de blasphème ait été abolie en 1789 par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (articles 10 et 11).

Nous avons aussi entendu : « Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski, ils ont certes payé le prix fort, mais ils n’ont reçu que ce qu’ils avaient cherché. » Et bien non ! Ils n’ont jamais confondu le respect de la liberté de croire et le respect des croyances elles-mêmes. « Je peux jurer qu’aucun d’entre eux n’avait ni mépris, ni haine pour les musulmans ». C’est le dessinateur Joann Sfar qui parle. Critiquer une religion n’a rien à voir avec la stigmatisation d’une personne croyante. Ces caricaturistes savaient aussi ne pas confondre les fidèles des religions avec leurs délinquants. En quatre coups de crayon ils faisaient jaillir l’évidence, pointaient les fanatismes et déclenchaient l’éclat de rire, cet éclat de rire qui libère l’individu du poids des conformismes et des pouvoirs.

Qu’il est difficile encore de nos jours d’évacuer l’accusation de blasphème, même si les juges sont clairs à ce sujet depuis fort longtemps !

L’école a encore un rôle à jouer ici.

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En 2012, à Pleyben, je m’étais arrêté sur quelques mots. J’avais montré combien il est important de faire la distinction entre laïcité et athéisme, entre la liberté de conscience et la liberté religieuse, entre la religion et le cléricalisme …
Je voudrais pointer une fois de plus le poids des mots, l’importance de la lecture de chacun et de son interprétation.

2 exemples concernant la religion musulmane, cette religion que nous avons tant de mal à appréhender. Je pourrais en trouver dans d’autres religions, mais celle-ci est d’actualité.

1/ J’évoquais plus haut les intégristes - intégralistes. Prenons le verset 5 : 38 du Coran.

"Quant au voleur et à la voleuse, à tous deux coupez la main, en récompense de ce qu’ils se sont acquis, en punition de la part d’Allah. Et Allah est Puissant, Sage."

Ce verset, quelle lecture en faire ?

L’intégraliste a lu : couper la main ; il la sectionnera.

Les fanatiques profiteront de l’occasion pour se rapprocher davantage de leur Dieu. J’ai lu que certains ont sectionné les deux mains !

Le croyant plus ordinaire, lui, se contentera de faire une coupure, une entaille sur la main, et le voleur restera ainsi reconnaissable, marqué à vie.

Le croyant musulman plus distant, plus réfléchi, se dira probablement que cette sentence est datée historiquement ; elle n’a donc de valeur que d’exemple, et il trouvera autre chose.

Le croyant empreint de davantage d’humanité l’interprétera simplement comme une injonction à faire en sorte que le coupable ne recommence pas …

Différents niveaux de lecture donc … qui existent d’ailleurs pour la plupart des textes …

L’école a aussi pour mission de faire découvrir que ces différents niveaux existent et qu’il appartient à chacun de juger ce qu’il est opportun de décider en toute circonstance.

2/ Un second exemple : Une scène extraite du film Timbuktu : cette scène où les combattants intégristes investissent un village et pénètrent dans la mosquée. Ils y trouvent l’imam en prière et se présentent : « Nous sommes djihadistes. »

L’imam lève la tête et leur répond calmement : « Moi aussi je fais le djihad » … … Mais aussitôt, il leur demande fermement de quitter les lieux.

Comment comprendre cette scène ? Autour du mot djihad, les protagonistes sont visiblement en totale opposition ? La clé, je l’ai trouvée dans le Dictionnaire amoureux de la laïcité de H. Pena-Ruiz.

Le mot « djihad » signifie faire un effort, l’effort de se mettre en mouvement ; et il possède plusieurs déclinaisons :

-  Dans la dimension individuelle, exiger de soi-même un travail à caractère spirituel : se mettre en chemin vers Dieu, élever son âme.

-  Dans le rapport à l’autre, faire l’effort de bien maîtriser sa parole (le bien – le mal).

-  Enfin, dans la dimension collective, se mettre en mouvement lorsque la communauté religieuse est attaquée et qu’il y a lieu de la défendre.

Le mot « djihad » peut n’avoir aucune connotation belliqueuse. En fait, dans l’histoire, et probablement aujourd’hui encore, l’incitation au djihad est souvent passée du mode défensif au mode offensif.

-  Voyez ce qu’il est devenu lorsque les intégristes (et les médias !) se sont emparé du mot !

Dans ce même film, la scène de la lapidation : lapidée pour avoir osé chanter ! Un autre exemple de niveau de lecture d’un texte …

La recherche du sens, de l’importance de chaque mot et des liens entre eux : un travail fondamental de l’enseignant là aussi. La clé d’une scolarité réussie pour l’élève, et pour le futur citoyen, la clé pour accéder aux valeurs qui nous sont chères, et au principe de laïcité qui permet leur mise en musique.

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Un récent bulletin des DDEN rappelle que l’école « est le creuset de la République et le premier lieu institutionnel de sensibilisation au principe de laïcité. C’est un outil d’éducation, de culture et d’émancipation, par lequel l’enfant accède à l’autonomie, à la liberté de penser. C’est ainsi que se forme le citoyen. »

Et voilà que le ministère, par le biais de la création d’une réserve citoyenne d’appui aux écoles, fait appel à ces mêmes DDEN pour les questions du vivre ensemble et du principe de laïcité. « Seront notamment sollicités pour participer à cette réserve les personnes désireuses d’apporter leur concours aux missions de l’École, les bénévoles d’associations partenaires au plan local et les délégués départementaux de l’Éducation nationale (DDEN). »

A la fois un honneur et une mission délicate, … et combien difficile ! Passionnante en même temps ! Comment se réapproprier la culture républicaine ?

... Et cela ne se décrète pas, cela se construit.

Abdenour Bidar en précise les objectifs : « Ce qu’il faut expliquer aux élèves, c’est la liaison entre le principe de laïcité comme condition, et la même liberté pour tous comme résultat. Dans l’opinion commune, le lien n’est pas fait entre laïcité et liberté, et c’est même souvent le contraire ! La laïcité est au service de l’égalité des libertés. »

Vaste programme donc, ce retour aux fondamentaux de l’école de la République …

Pour terminer, dans ce contexte difficile que nous connaissons, je m’autoriserai cette note à coloration politique : « La République doit être laïque et sociale, mais elle restera laïque parce qu’elle aura su être sociale » … Vous avez reconnu des paroles de J. Jaurès.

Des paroles d’une grande actualité.

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La discussion a porté sur les soucis actuels : conseils d"écoles et élues voilées ( et systématiquement muettes), les accompagnatrices voilées lors des sorties, les menus dans les cantines municipales, la charte de la laïcité comme outil, certaines positions de l’Observatoire de la laïcité, les écoles coraniques, la nourriture uniquement hallal lors de la fête de l’école, la difficulté pour les parents de soustraire leur enfant à l’instruction religieuse dispensée à l’école publique en Moselle, le retour nécessaire aux fondamentaux de la République, le sentiment d’appartenance à la nation, le respect mutuel, les menaces pour l’école républicaine que porte le TAFTA, la formation initiale des enseignants en matière de laïcité, la réserve citoyenne et les interventions dans les établissements scolaires ...

Un moment dense et d’une grande richesse ...

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